ANNE VALLERY-RADOT RUBRIQUES ART & CINÉ

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RAPHAËL ENTHOVEN, CAMUS.

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Nous naissons par hasard dans un monde indifférent, où nous allons mourir sans savoir pourquoi nous sommes passés par là. C’est facile à comprendre, mais difficile à admettre.

Albert Camus est le meilleur ami des gens qui se lèvent le matin, alors qu’ils ne croient en rien.

Est-ce pour ça que, de Stallone à Scarface, des Monty Python à The Walking Dead, le philosophe de l’absurde a eu tant d’influence ?

Suffit-il de combattre l’injustice pour faire la paix avec l’absurdité de la vie ?

Comment dire oui avant de dire non ?

 

Dans un plaidoyer fervent qui mélange cinéma, musique, théâtre et philosophie, Raphaël Enthoven dévoile les paradoxes et la puissance redoutable d’une pensée qui, quand on l’éprouve, nous aide à traverser tous les hivers de l’existence.

"Le monde est beau, et hors de lui, point de salut !". Il faut savoir que Camus a 20 ans quand il écrit cette phrase et que celle-ci, d'une certaine manière, dit à peu près tout ce qu'il pense. Il n'est de beauté qu'ici-bas, il n’y a de salut qu'ici-bas et s'il faut se battre dans la vie, c'est parce que le salut, c'est l'affaire des vivants.

 

 

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 Albert Camus, né le 7 novembre 1913 à Mondovi en Algérie française, et mort accidentellement le 4 janvier 1960 à Villeblevin, est un écrivain, philosophe, journaliste militant, romancier, dramaturge, essayiste et nouvelliste français, lauréat du prix Nobel de littérature en 1957.

On divise généralement l'œuvre d'Albert Camus en trois cycles dont il avait lui-même planifié la structure ; le cycle de l'absurde lié au mythe de Sisyphe, le cycle de la révolte lié au mythe de Prométhée et enfin le cycle inachevé de l'amour ou de la mesure, lié au mythe de Némésis.

Camus : « L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte ».

La révolte est donc la manière de vivre l'absurde, connaître notre destin fatal et néanmoins l'affronter. C'est l'intelligence aux prises avec le « silence déraisonnable du monde » ; le condamné à mort qui refuse le suicide.

La révolte, c'est aussi s'offrir un énorme champ de possibilités d'actions, car si l'homme absurde se prive d'une vie éternelle, il se libère des contraintes imposées par un improbable futur et y gagne en liberté d'action. 

 


 

 

L’absurde est le sentiment de lassitude, voire d’écœurement, éprouvé par l'homme pauvre contraint à un travail aliéné et qui prend conscience que son existence tourne autour d'actes répétitifs et privés de sens: « Lever, tramway, quatre heures de bureau et d’usines, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, « le pourquoi » s’élève et tout commence dans cette lassitude teintée d’étonnement. » La certitude de la mort ne fait que renforcer, selon Camus, le sentiment d'inutilité de toute existence.


 

Enthoven parle du mythe de Sisyphe qui est un essai d'Albert Camus, publié en 1942. Le travail de Sisyphe qui méprise les dieux, aime la vie et hait la mort, figure la condition humaine. Mais la lutte vers les sommets porte sa récompense en elle-même. Il faut imaginer Sisyphe heureux.

 

Le mythe de Sisyphe fait partie du « cycle de l'absurde » 

A l'époque où les dieux décidaient du destin des hommes, l'impertinent Sisyphe fut condamné, dans les enfers, à un supplice de choix : il devait rouler un gros rocher au sommet d'une montagne, besogne éternelle puisque le caillou dévalait immédiatement la pente une fois en haut..

 En réponse à ce mythe Enthoven y oppose celui de Tantale.

Tantale avait commis deux crimes, dit la Fable. Admis à la table des dieux, il avait dérobé à ses hôtes leur nectar et leur ambroisie, pour les faire goûter aux mortels. Puis, dans l'idée de défier l'Olympe et d'éprouver son omniscience, il avait tué son propre fils Pélops, pour faire servir sa chair à la table divine.

"L'absurdité" n'est pas un état d'âme ou du sort, que l'homme doit accepter stoïquement pour s'y abandonner religieusement, à la manière d'un Bouddha, d'un Christ, ou d'un ascète du désert, voire complaisamment, et, peut-être voluptueusement, dans une sorte de perversion masochiste.

Une fois reconnu le divorce entre son désir raisonnable de compréhension et de bonheur et le silence du monde, l’homme peut-il juger que la vie vaut la peine d’être vécue?

Telle est la question fondamentale de la philosophie.


Le thème du suicide est traité comme le problème philosophique le plus sérieux pour Camus dans "La Chute", roman publié en 1956:

 

"Sur le pont, je passai derrière une forme penchée sur le parapet, et qui semblait regarder le fleuve. De plus près, je distinguai une mince jeune femme, habillée de noir. Entre les cheveux sombres et le col du manteau, on voyait seulement une nuque, fraîche et mouillée, à laquelle je fus sensible. Mais je poursuivis ma route, après une hésitation. J'avais déjà parcouru une cinquantaine de mètres à peu près, lorsque j'entendis le bruit, qui malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d'un corps qui d'abat sur l'eau. Je m'arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt, j'entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s'éteignit brusquement."

 

C'est la source de cet admirable monologue, où Jean-Baptiste Clémence retrace le parcours autrefois brillant de son existence parisienne. Jusqu'au jour où différents Evénements ruinent les derniers vestiges de sa normalité existentielle. Il fuit dans la débauche ce qu'il découvre tous les jours un peu plus. Fuir l'hypocrisie des cœurs, de la charité, de la solidarité, l'hypocrisie du monde, fuir cette existence fausse où le plaisir personnel décide des actes les plus beaux. Il part alors pour la cosmopolite Amsterdam et s'y institue " juge pénitent " pour dénoncer l'ignominie humaine.


 

"La peste"roman sorti en 1947, représente " l'absurde" comme une condamnation auquel nul ne peut se soustraire, il fait partie du cycle de "La révolte" qui rassemble deux autres ouvrages: "L'homme révolté" et "Les Justes". 

 « La Peste » d'Albert Camus traite de la lutte contre l'indifférence et l'injustice. Le roman met en lumière la souffrance universelle et la condition humaine face à "l'absurde". Il s'agit d'un appel à la solidarité humaine, illustré par la lutte collective des personnages contre la peste.

 

<<Néanmoins, le fils du juge Othon tombe malade à son tour. Rieux se trouve toujours impuissant et souffre lui-même de le voir souffrir. L'abbé Paneloux, touché par l'absurdité de la situation, commence à douter de sa foi et se réfugie dans la solitude. Las, il finit par mourir de la peste le crucifix dans la main, en ayant refusé les soins du docteur.>>

 

"La peste" nous instruit tout d'abord sur les ravages causés par la peur et l'incertitude, et sur la fragilité de nos valeurs morales lorsque nous devons faire face à une menace

 

Camus fait un rapprochement, sans le citer, de la peste à la guerre et la montée du nazisme, et la lutte des hommes face au fléau représente la résistance. 

 


 

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"À ceux qui cherchent un sens à la vie, Camus répond qu'on ne sort pas du ciel qui nous contient. À ceux qui se désolent de l'absurde, Camus raconte que le monde est beau et que cela suffit à remplir le coeur d'un homme. À ceux qui souhaitent la tyrannie parce que l'Homme n'est pas à la hauteur du bien qu'on lui veut, Camus dit qu'il faut aimer les hommes avant les idées. Aux partisans de la haine, il décrit la gratitude. Aux indignés et aux sectateurs d'un "autre monde possible" qui s'endorment, sereins, sur l'oreiller des contestations incontestables, Camus enseigne que la véritable exigence est le contraire de la radicalité. [...] Albert Camus soigne le désespoir par le sentiment qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ; c'est le seul homme normal que je connaisse."

Raphaël Enthoven.

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Raphaël Enthoven:

<<J'avais le sentiment quand j'étais plus jeune, quand on est un enfant et qu'on confie à la nuit ses questions, d'être le seul sur terre à me poser les questions que je me posais. Mes parents sont-ils vraiment les miens ? Est-ce qu'il y a une vie après la mort ? Ce genre de questions qu'on croit être seul à se poser. Et j'ai découvert assez rapidement, parce que j'avais des parents qui m'ont mis ça dans les mains, que des morts millénaires se posaient les mêmes questions que moi. À partir de là, vous avez des sentiments mêlés. Le premier réflexe est un peu vaniteux. Il est de vous dire que vous pensez comme Platon. Le deuxième réflexe est beaucoup plus humble et consiste à voir que vous n'avez rien d'original et que ce que vous croyiez être seul à penser, en réalité, il y avait toute une communauté de gens pour le faire. Vous intégrez alors cette communauté dont les morts sont plus nombreux que les vivants, mais ne sont pas moins bavards. C'est une communauté où vous n'êtes plus jamais seul et la philosophie est un antidote à la solitude fondamentale de l'enfant qui se pose des questions dans le silence de la nuit. La philosophie ne répond pas aux questions qu'on se pose, mais accompagne, transforme les questions qu'on se pose en outil de compréhension. >>

 

<<La philosophie dit à l'enfant inquiet en nous que son inquiétude est un trésor, contrairement à ce qu'il pense. Ce n'est pas une galère, c'est un trésor. C'est ça que fait la philosophie. C'est en cela qu'elle est utile à forger des destins.>>

Raphaël Enthoven  à franceinfo


  

Raphaël Enthoven, né le  dans le 13e arrondissement de Paris, est un écrivainjournaliste, philosophe, animateur de radio et de télévision.

De septembre 2007 à juillet 2011, il a présenté et produit l’émission Les nouveaux chemins de la connaissance sur France Culture. Depuis 2008, il présente l'émission de télévision Philosophie sur Arte et, depuis 2015, il intervient aussi sur Europe . Chroniqueur médiatique, il est régulièrement invité sur de nombreuses chaînes d'informations privées d'information en continu, CNewsLCIBFM TV,  sur lesquelles il commente l'actualité politique.

 

ANN VR("-_-")XXX



06/10/2023
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